Endométriose: l’arrivée du test salivaire devrait contribuer au recul de la chirurgie
Vincent Richeux
16 octobre 2023
Paris, France — Avec un diagnostic désormais non chirurgical et un traitement hormonal recommandé en première intention, les actes invasifs sont devenus moins systématiques dans la prise en charge de l’endométriose.
Au cours du congrès de gynécologie et d’obstétrique FIGO 2023 , plusieurs interventions ont évoqué cette nouvelle tendance, dans laquelle s’inscrit le test salivaire de diagnostic de l’endométriose, bientôt disponible en France.
Le recours au test salivaire sera limité aux femmes présentant encore des douleurs pelviennes, malgré une aménorrhée induite par un traitement hormonal et l’absence de lésions observables à l’imagerie, a indiqué le Pr Philippe Descamps (CHU d’Angers, France), vice-président de la Fédération internationale de gynécologie obstétrique (FIGO), lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du congrès [1].
« Il ne s’agit pas d’un test de dépistage », a rappelé le gynécologue. Il ne vise pas non plus à confirmer un diagnostic d’endométriose posé après visualisation des lésions par imagerie (échographie transvaginale ou IRM). « En revanche, ce test a un intérêt dans les stades précoces de l’endométriose péritonéale, qui sont souvent invisibles à l’IRM ».
"Ce test a un intérêt dans les stades précoces de l’endométriose péritonéale, qui sont souvent invisibles à l’IRM" Pr Philippe Descamps
L'endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire et chronique qui se caractérise par la croissance de fragments de tissu endométrial en dehors de la cavité utérine. Sensibles aux estrogènes et au cycle menstruel, les lésions d ’endométriose sont à l ’origine de douleurs pelviennes et peuvent provoquer une infertilité. On estime que cette maladie, qui évolue de la puberté à la ménopause, touche 5 à 10 % des femmes en âge de procréer.
La physiopathologie de l ’endométriose n ’est pas encore bien comprise. La pathologie est souvent expliquée comme étant une conséquence de menstruations rétrogrades qui feraient remonter des fragments d ’endomètre vers le pelvis, en passant par les trompes de Fallope.
Développé par la start-up française Ziwig, le test Endotest® consiste à analyser, à partir d’un échantillon de salive, 109 microARN impliqués dans la physiopathologie de l’endométriose. Ces biomarqueurs qui constituent une signature de l’endométriose sont notamment liés à l’inflammation, à l’immunité et à la prolifération cellulaire.
Réduire l’errance diagnostique
Un première étude publiée en 2022 avait révélé des résultats prometteurs avec ce test dans le diagnostic de l’endométriose en affichant une sensibilité (« taux de vrais positifs ») de 96%. Son intérêt a été récemment confirmé dans l’étude EndomiRNA Saliva Test, qui a également révélé une spécificité (« taux de vrais négatifs ») de 95% chez les 200 première patientes incluses [2].
Les résultats finaux ne sont pas encore connus, mais le test est d’ores et déjà disponible dans 12 pays. En France, les discussions sont en cours à la Haute autorité de santé (HAS) pour définir sa place dans la prise en charge de l’endométriose et son remboursement. « On espère avoir un avis avant fin 2023 », a précisé le Pr Descamps auprès de Medscape édition française.
"On espère avoir un avis avant fin 2023"
« Dès que le test sera disponible en France, il sera prescrit par un médecin gynécologue dans certaines indications très ciblées. » Le test devrait apporter un progrès majeur dans la prise en charge de l’endométriose en contribuant à réduire l’errance diagnostique de nombreuses femmes en souffrance chez qui les examens par imagerie se sont révélés négatifs.
Au centre de référence sur l’endométriose EndoRef au CHU d’Angers, le Pr Descamps voit ce profil de femmes « tous les jours » en consultation. Des femmes jeunes, avec des règles douloureuses depuis la puberté, une dyspareunie (douleurs lors des rapports sexuels), multipliant les consultations pour trouver les causes de leur mal.
Jusqu’à présent, après un ultime examen négatif par IRM, la prise en charge de ces femmes amène à réaliser une cœlioscopie diagnostique pour explorer la cavité abdominale et pelvienne, à la recherche de lésions et de tissus adhérents non visibles à l’imagerie. L’examen est complété par une biopsie sur les lésions suspectes.
Un test salivaire négatif permettra d’éviter cet examen invasif. Celui-ci restera toutefois nécessaire en cas de résultat positif pour confirmer le diagnostic. « Les patientes avec un test négatif seront orientées vers d’autres diagnostics et vers une prise en charge pluridisciplinaire de la douleur ».
"Les patientes avec un test négatif seront orientées vers d’autres diagnostics et vers une prise en charge pluridisciplinaire de la douleur"
Diagnostic non chirurgical
L’arrivée de ce test devrait donc accentuer le recul de la chirurgie qui s’observe depuis peu dans la prise en charge de l’endométriose. Alors que la visualisation des lésions par cœlioscopie avec confirmation histopathologique a longtemps été la norme pour diagnostiquer une endométriose, le diagnostic non chirurgical est désormais préconisé en se basant sur les examens cliniques et sur l’imagerie.
« Auparavant, lors du diagnostic chirurgical, les lésions étaient systématiquement opérées. Dans ces conditions, les interventions ne sont pas toujours bien réalisées et les récidives sont fréquentes », a commenté le Pr Charles Chapron (Hôpital Cochin, AP-HP, Paris), qui est intervenu lors du congrès FIGO2023 pour évoquer les évolutions dans la prise en charge de l’endométriose [3].
"Auparavant, lors du diagnostic chirurgical, les lésions étaient systématiquement opérées. Dans ces conditions, les interventions ne sont pas toujours bien réalisées et les récidives sont fréquentes" Pr Charles Chapron
Le diagnostic de l’endométriose repose tout d’abord sur l’examen physique et l’interrogatoire pour rechercher notamment les antécédents familiaux, a rappelé le gynécologue. Ainsi, lorsqu’une parente au premier degré (mère, soeur ou fille) présente une endométriose sévère, le risque d’être atteinte de cette pathologie est 6 à 9 fois plus élevé.
Etant donné que les symptômes de l’endométriose de manifestent dans 70% des cas à l’adolescence, il est notamment important d’interroger les femmes sur cette période pour savoir, par exemple, si elles avaient déjà à l’époque des règles douloureuses et si elles prenaient une contraception hormonale pour les soulager.
Les femmes avec endométriose ont aussi plus souvent des maladies allergiques ou auto-immunes (lupus, asthme…). Et, en plus des douleurs qui peuvent se manifester par des dyspareunies (douleurs pendant les rapports sexuels) et des dysménorrhées (règles douloureuses), l’endométriose est généralement associée à une infertilité.
Planifier la chirurgie
En cas de suspicion d’endométriose, l’imagerie s’impose en réalisant tout d’abord une échographie transvaginale pour rechercher des lésions profondes et une endométriose ovarienne. Concernant les lésions superficielles, « elle restent peu visibles avec les techniques d’imagerie actuelles », a précisé le Pr Chapron. L’IRM peut venir ensuite compléter la cartographie des lésions.
Une fois le diagnostic posé grâce à l’imagerie, le traitement hormonal est recommandé en première intention. « Les traitements hormonaux sont très efficaces sur la douleur et les hémorragies ». Plusieurs sociétés savantes considèrent désormais qu’un traitement médical peut être instauré sans preuve histologique.
Selon les dernières recommandations de la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE), les contraceptifs oraux (idéalement en schéma continu) et les progestatifs comme le diénogest sont à utiliser en première intention. En deuxième intention se trouvent les analogues de la GnRH, ainsi que les antagonistes de la GnRH, mieux tolérés, qui devraient bientôt arriver sur le marché.
Le recours à la chirurgie est recommandé en cas de douleurs persistantes ou lorsque la patiente a un désir de grossesse, le traitement chirurgical de l’endométriose ayant aussi l’avantage de traiter l’infertilité. Le taux de grossesse après chirurgie est de 30 à 40%. Pour celles qui ne souhaitent pas être opérées, la procréation médicalement assistée (PMA) peut être envisagée.
Désormais, dans la prise en charge de l’endométriose, on considère que « le traitement médical permet de planifier la chirurgie en choisissant le meilleur moment pour réaliser l’intervention », souligne le Pr Chapron. L’intervention peut ainsi être retardée de plusieurs années tant que le traitement est efficace et qu’il n’y a pas de désir de grossesse, même dans le cas de lésions profondes.
« Aujourd’hui, on traite médicalement des endométrioses profondes avec atteintes intestinales, ce qui ne se faisait pas il y a cinq ou sept ans. Les patientes peuvent être soulagées en prenant par exemple du diénogest et peut-être même qu’elles ne seront jamais opérées ».