Des cellules souches pour avant des les questionnements du diabète de type 1

Lors du congrès de l’EASD qui s’est déroulé à Madrid du 10 au 13 septembre, Chiara Vinci, biologiste au Center for Diabetes Research de l’ULB, a présenté l'une de ses récentes études explorant l’utilisation des cellules souches pluripotentes induites humaines (iPSC) pour modéliser le diabète de type 1. Cette approche innovante vise à comprendre comment et pourquoi les cellules β du pancréas, responsables de la production d’insuline, deviennent des cibles du système immunitaire, provoquant leur destruction dans le cadre d’une réponse auto-immune.

Contexte de l’étude

Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie auto-immune où le système immunitaire attaque les cellules β du pancréas, responsables de la sécrétion d’insuline, provoquant une carence dans cette hormone vitale. Cela conduit à l'incapacité du corps à réguler les niveaux de sucre dans le sang de manière autonome, nécessitant une prise en charge médicale à vie par injection d'insuline. Comprendre comment et pourquoi les cellules β deviennent vulnérables à cette attaque auto-immune est crucial pour le développement de traitements plus efficaces.

Utilisation des iPSC pour modéliser le DT1

Chiara Vinci et son équipe de l'ULB ont mis en œuvre une stratégie unique consistant à différencier des cellules souches pluripotentes induites (iPSC) en cellules semblables aux cellules β. Ces cellules sont ensuite exposées à des cytokines, des protéines inflammatoires qui jouent un rôle dans l’auto-immunité, comme l’Interféron alpha (IFNα) et l’Interféron gamma (IFNγ). L’objectif de cette modélisation est d’étudier les altérations des cellules β sous l’effet de ces cytokines afin de mieux comprendre les mécanismes qui déclenchent leur destruction auto-immune.

Vinci a souligné l'importance des cytokines IFNα et IFNγ, qui sont présentes dans les îlots de Langerhans du pancréas chez les patients atteints de DT1 et qui participent au déclenchement de l'attaque immunitaire contre les cellules β. Cependant, elle précise que les mécanismes spécifiques à l'œuvre dans cette attaque ciblée restent encore largement inconnus. L’utilisation des iPSC différenciées en cellules β permet de surmonter certains défis majeurs de la recherche sur le diabète de type 1, comme la disponibilité limitée des échantillons et la difficulté d’étudier les cellules β dans la phase précoce de la maladie.

Protocole de différenciation en cellules β

L’équipe de Vinci a mis en place un protocole en sept étapes pour différencier les iPSC en îlots contenant des cellules β. À la fin de ce processus, les îlots obtenus contiennent entre 45 et 50 % de cellules β, mais, grâce à un tri cellulaire utilisant le marqueur CD49A, ils peuvent augmenter ce pourcentage à 80 % de cellules β. Ce processus est essentiel pour garantir un modèle fiable et représentatif des cellules β humaines, afin d’étudier les effets des cytokines sur celles-ci.

Analyse du transcriptome et du translatome

Dans cette étude, les cellules β dérivées des iPSC ont été exposées à divers stimuli pro-inflammatoires comme l’IFNα, l’IFNγ et l'interleukine-1-β (IL-1β). L’analyse des réponses génétiques à ces stimuli s’est faite en étudiant à la fois le transcriptome (les gènes exprimés dans l'ARN) et le translatome (les gènes traduits en protéines via les ribosomes), afin de mieux comprendre comment ces cytokines modifient les cellules β.

Les résultats ont montré des régulations significatives du transcriptome sous l’effet des cytokines. Par exemple :

  • L’exposition à l’IFNα a provoqué une régulation à la baisse de 114 gènes et une régulation à la hausse de 386 gènes.
  • L’IFNγ a eu un effet encore plus marqué, avec une régulation à la baisse de plus de 1300 gènes et une régulation à la hausse de 1600 gènes.
  • La combinaison de l’IFNγ et de l’IL-1β a entraîné des altérations encore plus importantes, avec une modification de plus de 5500 gènes.

Comparaison avec les cellules β des patients DT1

Afin de valider ce modèle de recherche, les transcriptomes des cellules β dérivées des iPSC ont été comparés aux transcriptomes des cellules β prélevées sur des patients atteints de DT1. Cette comparaison a révélé un chevauchement important entre les gènes régulés à la hausse dans les deux conditions, renforçant ainsi la pertinence de ce modèle pour l’étude du diabète de type 1.

Impact des cytokines sur la fonction des cellules β

Vinci et son équipe ont également étudié l’impact fonctionnel des cytokines sur les cellules β. Bien que la teneur en insuline des cellules ne change pas significativement après exposition aux cytokines, leur capacité à sécréter de l’insuline en réponse au glucose a considérablement diminué. L'indice de stimulation (qui mesure la capacité des cellules β à répondre au glucose) est passé de 4 (dans des conditions normales) à 1,5 après exposition aux cytokines, révélant un dysfonctionnement majeur de la sécrétion d’insuline.

Conclusion et perspectives

Les résultats de cette étude valident l'utilisation des cellules iPSC pour modéliser le diabète de type 1. Le profilage transcriptomique et translatomique des cellules β exposées aux cytokines pro-inflammatoires permet de mieux comprendre les altérations génétiques qui rendent ces cellules plus vulnérables à l'auto-immunité. Cette approche offre de nouvelles perspectives pour l’étude des mécanismes sous-jacents au diabète de type 1 et pour le développement de futurs traitements visant à protéger les cellules β du système immunitaire.

Ainsi, l’étude de Chiara Vinci et de son équipe contribue à enrichir notre compréhension de cette maladie auto-immune complexe et ouvre la voie à de nouvelles pistes de recherche pour mieux traiter et, à terme, prévenir le diabète de type 1.

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