"Baby Detect", le projet du CHU de Liège pour détecter 165 maladies rares dès la naissance
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LIÈGE 18/04 – Grâce à un séquençage ADN ciblé, "Baby Detect" permet le dépistage de 165 pathologies pédiatriques rares pour lesquelles un traitement ou une prise en charge existe.
Selon le SPF Santé publique, entre 6 000 et 8 000 maladies rares sont aujourd'hui identifiées, et 80 % d'entre elles sont génétiques. La majorité d'entre elles touchent les enfants. En Belgique, entre 660 000 et 880 000 personnes seraient atteintes d'une maladie rare.
Pour de nombreux parents, l'attente d'un diagnostic correct est un véritable parcours du combattant. Celle-ci peut prendre des années. Entre-temps, la maladie s'installe et l'enfant, non pris en charge à temps, développe des symptômes, et le traitement arrive trop tard.
Depuis septembre 2022, une équipe du CHU de Liège travaille sur le projet Baby Detect, un procédé qui permet de dépister 165 maladies pédiatriques rares dès la naissance grâce à un séquençage ADN ciblé. Ce dépistage précoce permet d'ouvrir la voie à des traitements rapides et souvent déterminants pour la santé des enfants.
Concrètement, cela se traduit pour les patients par une simple prise de sang.« On attend deux jours de vie avant de faire le dépistage. On fait la prise de sang sur la main ou le talon du nouveau-né. On récupère quatre ou cinq gouttes de sang sur un papier buvard. Cette prise de sang se fait même moment que le test de Guthrie. On n'a donc pas besoin de faire de prise de sang supplémentaire », explique Tamara Dangouloff, cheffe de projet Baby Detect, lors d'une émission diffusée dans le cadre du festival Imagésanté.
En 30 mois, l'étude Baby Detect a déjà testé 6 000 nouveau-nés de la Citadelle à Liège. Parmi ces derniers, 1,5 % de cas positifs (plus d'une centaine de cas) à une maladie rare ont été trouvés.
« Je prends le cas d'un petit garçon qui souffre de myasthénie congénitale. Il a perdu la marche très tôt. Pendant ses neuf premières années, il y a eu une errance diagnostique. Une fois cette maladie identifiée, elle a pu être traitée. Grâce au traitement, accessible partout dans le monde et très peu coûteux, aujourd'hui, cet enfant court et a retrouvé une vie normale. Il a toutefois perdu neuf années de sa vie, car le diagnostic n'avait pas été posé assez tôt », explique Tamara Dangouloff.
Sensibilisation et parents ambassadeurs
L'intérêt de ce dépistage est expliqué aux parents dès les consultations gynécologiques afin d'initier le processus de prise de conscience. "En cas de test positif, l'information est communiquée au pédiatre de la maternité. Ce dernier rappelle le parent pour dire qu'il y a peut-être un problème et qu'il doit revoir l'enfant pour confirmer ou infirmer ce résultat-là. Si le résultat est confirmé par un prélèvement indépendant, alors un accompagnement thérapeutique est initié", explique François Boemer, responsable du laboratoire de dépistage néonatal du CHU de Liège. Une équipe pluridisciplinaire est alors mise en place autour du patient et de ses parents.
"On nous a parlé de Baby Detect avant l'accouchement, pendant les rendez-vous avec la sage-femme et avec la gynécologue", explique la maman d'Oscar, qui est atteint de la maladie de Wilson, une pathologie rare qui se traduit par une surcharge de cuivre dans l'organisme. Si l'enfant est traité assez tôt, il évite des troubles hépatiques et neurologiques graves. C'est le cas de ce petit garçon qui a été dépisté dès la naissance. « Quand la maladie a été détectée, on a rapidement eu des rendez-vous avec un professeur, un pédiatre, une assistante sociale ou encore un psychologue. Aujourd'hui, Oscar a 7 mois et il va très bien. Il doit prendre un traitement tous les matins et tous les soirs. C'est un médicament que l'on dilue dans du liquide. La prise n'est pas toujours facile, mais c'est un moindre mal comparé aux symptômes qu'il aurait pu avoir. Quelques gouttes de sang peuvent vraiment sauver la vie de votre enfant."
Ces parents qui ont vécu le parcours du combattant et qui connaissent aujourd'hui les avantages du test Baby Detect sont devenus des ambassadeurs. "On les met en contact avec d'autres parents qui ont reçu le même diagnostic", explique Stefan Joris, directeur général de l'Association Muco et président de RaDIOrg.
Recherche de financement
Au terme de l'étude, cet été, les financements accordés au projet Baby Detect arriveront à échéance. Différentes démarches ont été initiées afin d'envisager un remboursement futur pour ce test.
"On sait que ça va prendre du temps, déclare le professeur Boemer. Entre-temps, nous allons proposer ce test aux parents, mais ceux-ci devront participer financièrement à hauteur de 650 euros, car nous n'aurons plus les moyens de le proposer gratuitement."
Convaincue par le projet Baby Detect et consciente que le prix du test peut être un frein pour certaines familles, Ethias a décidé d'agir en développant, dans ses assurances collectives, "une option permettant de couvrir une partie de la prise en charge du test", explique Albane Lairesse, porte-parole d'Ethias.
"L'idée est de donner une impulsion et de donner à d'autres l'envie de soutenir ce test."
À moyen terme, le challenge pour l'équipe du CHU de Liège est d'arriver à ce que ce dépistage soit remboursé, afin que tous les nouveau-nés y aient accès. À long terme, Tamara Dangouloff espère pouvoir dépister de nouvelles maladies grâce à ce test, afin que la prise en charge se fasse le plus rapidement possible.
Aurélie Parisi • MediQuality