Le risque de saignement vaginal, hors période de menstruation, est multiplié jusqu’à près de cinq fois après une dose de vaccin contre le Covid-19, selon une étude norvégienne publiée dans Science Advances. Cet effet, observé également chez les femmes ménopausées, pourrait être lié à la protéine Spike.
Suite à la survenue de nombreux cas de troubles menstruels chez des femmes vaccinées contre le Covid-19, l'Agence européenne du médicament (EMA), d'abord sceptique quant à un lien de causalité, a décidé en octobre 2022 d'ajouter les saignements menstruels abondants à la notice d'information des vaccins ARNm, comme effet indésirable de fréquence inconnue.
Le sujet continue toutefois de faire débat parmi les experts. En mai dernier, une grande étude suédoise concluait à l'absence d'un risque significatif de troubles menstruels. Toutefois, un surplus de saignements vaginaux était observé chez les femmes ménopausées, s'élevant jusqu'à +25% après la troisième dose. Mais cette étude avait pour défaut de n'analyser que les consultations et les hospitalisations, alors que la grande majorité des femmes endurant de tels symptômes ne prennent pas contact avec un médecin.
C'est cet écueil que Kristine Blix, de l'Institut norvégien de santé publique à Oslo, et ses collègues ont cherché à lever dans leur étude, en se basant sur les déclarations de près de 22.000 femmes, ménopausées ou non, incluses dans les cohortes norvégiennes MoBa et Senior. Toutes vaccinées, ces femmes ont été interrogées sur la survenue d'un saignement vaginal avant et après l'administration des deux premières doses vaccinales, mais hors période de menstruation.
Les résultats suggèrent un effet très significatif de la vaccination, nettement plus marqué que lors de l'étude suédoise. Chez les femmes ménopausées, le risque de saignement vaginal était multiplié par 3 après la première dose par rapport à la période pré-vaccination, par 2,2 après la seconde dose. Chez les femmes non ménopausées, il était respectivement multiplié par 4,7 et 4,2. Les femmes en cours de transition ménopausique présentaient des résultats similaires à ces dernières, avec un risque multiplié par 4,2 après la première dose et 3,7 après la seconde.
Certes, l'étude n'est pas exempte de défauts, notamment quant à la possibilité d'un biais de déclaration. Les femmes endurant un saignement vaginal après la vaccination pourraient être plus susceptibles de s'en souvenir, et de le déclarer, que lorsqu'un tel évènement survient hors contexte vaccinal -un effet probablement renforcé par la médiatisation du sujet. Toutefois, l'importance de l'association observée (de 2 à 5 fois après la vaccination) suggère qu'il s'agit là d'un réel effet indésirable.
Selon les chercheurs, les saignements vaginaux « constituent un symptôme médical important, qui ne peut être expliqué par des facteurs circonstanciels, tels que le stress lié à l'épidémie [l'une des explications parfois avancées pour expliquer la survenue de troubles menstruels, ndlr]. La découverte d'un risque accru de saignements postménopausiques conforte l'idée qu'il s'agit là d'un réel effet biologique », observé dans toutes les classes d'âge.
Quant au mécanisme en cause, il demeure méconnu. « La hausse du risque aussi bien avec le vaccin Comirnaty qu'avec le Spikevax suggère un effet de la protéine virale Spike, et pas d'autres composants vaccinaux. Cette hypothèse est d'ailleurs conforté par le fait que l'effet soit plus marqué [+32%] avec Spikevax [plus fortement dosé] chez les femmes ménopausées. De plus, une hausse du risque de saignement vaginal postménopausique a aussi été observé suite à une infection par le SARS-CoV-2, ce qui suggère le rôle d'un agent viral », avancent les chercheurs.
Référence :
- Unexpected vaginal bleeding and COVID-19 vaccination in nonmenstruating women, Blix et al., Sci Adv. 2023 Sep 22;9(38):eadg1391. doi: 10.1126/sciadv.adg1391