Notre système de santé belge, fruit d’une longue histoire de solidarité et d’innovation, est aujourd’hui sous pression :
- vieillissement de la population,
- coûts croissants,
- besoins accrus de prévention,
- exigences de recherche.
Un projet de plafonnement uniformisé des honoraires médicaux, prévu pour 2028, promet une régulation brutale censée protéger les patients et maîtriser les dépenses. Mais à quel prix ? Derrière chaque acte médical se cachent des investissements lourds, un personnel dédié et une absence quasi totale d’aides publiques pour les sociétés médicales. Pire : ce précédent peut menacer non seulement les praticiens, mais aussi l’ensemble des indépendants belges. Avant de signer ce qui pourrait affaiblir notre système de soins et l’économie nationale, exigeons un moratoire et une étude d’impact indépendante, pour bâtir une réforme véritablement durable.
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Contexte actuel : un modèle mixte réputé, mais sous pression
La Belgique bénéficie d’un système de santé reconnu internationalement pour :
- Un accès relativement rapide à un médecin généraliste et, dans une large mesure, aux spécialistes, grâce à la liberté d’installation et à la mixité public/privé.
- Une offre d’innovation : la Belgique figure parmi les trois pays européens par habitant accueillant le plus d’essais cliniques, ce qui permet aux patients d’accéder localement à des traitements de pointe pharmaboardroom.com.
- Une diversité de pratiques : médecins conventionnés ou non, permettant parfois de financer des activités complémentaires (recherche, bilans, équipements spécifiques).
Pourtant, plusieurs indicateurs montrent que le modèle est sous tension :
- Coûts croissants : la dépense de santé représente environ 10,8 % du PIB en 2022, un ratio parmi les plus élevés en Europe ec.europa.eu.
- Délais d’attente déjà problématiques : selon un rapport KCE, 48 % des patients ont dû attendre plus de deux semaines pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste en 2018, avec des disparités régionales marquées (Wallonie jusque 56 %, Flandre ~46 %, Bruxelles ~43 %) belgiqueenbonnesante.be.
- Pression sur la recherche et l’innovation : garder la Belgique compétitive exige un cadre stable pour libérer du temps aux praticiens-chercheurs et pour financer l’acquisition ou le renouvellement d’équipements coûteux.
- Prévention insuffisamment soutenue : de nombreux patients reportent ou renoncent à des bilans de santé ou dépistages, faute de remboursement ou de disponibilité, alors que la prévention sauve vies et dépenses à long terme.
Enfin, particularité fondamentale : contrairement à la plupart des secteurs économiques, les sociétés médicales privées (cabinets, plateaux techniques) ne bénéficient pas des aides publiques classiques (subventions régionales/fédérales, crédits d’impôt à l’investissement, cofinancements européens ou régionaux) pour l’achat d’équipements (imagerie, IT, etc.). Toute dépense doit être couverte par les revenus professionnels du ou des praticiens et, le cas échéant, un emprunt bancaire. Cette réalité explique que l’honoraire facturé ne rémunère pas seulement le médecin, mais amortit des investissements très lourds, salarise du personnel et assure la maintenance indispensable inami.fgov.be.
Pourquoi envisager une réforme ? Objectifs légitimes, méthode cruciale
Les motifs avancés pour réguler les honoraires sont compréhensibles :
- Protéger les patients vulnérables contre des dépassements excessifs et imprévus.
- Maîtriser les dépenses de santé pour préserver la soutenabilité budgétaire, surtout dans un contexte d’austérité et de vieillissement.
- Renforcer l’équité : réduire les inégalités d’accès aux soins essentiels.
- Réorienter vers la prévention pour diminuer la charge des maladies avancées et éviter des coûts futurs majeurs.
Ces objectifs sont partagés par la majorité des acteurs. Toutefois, la manière de les atteindre détermine l’impact réel sur la qualité des soins, la recherche, le tissu économique et la mobilité des praticiens. Une réforme « précipitée » ou trop uniforme risque de fragiliser ce que l’on veut protéger.
L’approche envisagée : plafonnement uniformisé (2028) et conséquences attendues
Le projet de loi prévoit notamment :
- Plafonnements généralisés des honoraires : en ambulatoire (cabinet) maximum +25 % du tarif INAMI, en hospitalier maximum +125 % du tarif INAMI, pour tous les praticiens belges.
- Suppression du conventionnement partiel : plus de flexibilité pour consacrer du temps à la recherche ou des activités spécifiques.
- Extension du pouvoir de suspension du numéro INAMI : accroissant l’incertitude pour les praticiens.
Risques majeurs pour les patients :
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Allongement des délais et impact sur la survie
- Le plafonnement brut peut inciter certains praticiens à réduire leur activité ou émigrer, aggravant la pénurie et les listes d’attente.
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Or chaque semaine compte :
- Cancer du sein : un délai de 8 semaines avant chirurgie augmente la mortalité d’environ 17–25 %, 12 semaines → +25–39 % bmj.com.
- Cancer colorectal : un retard de 4 semaines dans l’adjuvant accroît le risque de décès de ~12 %, 8 semaines ~24 %, 12 semaines ~39 % pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.
- Tout déplacement vers un système à l’étranger engendre frais, stress et inégalités accrues.
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Fragilisation de la recherche et de l’innovation
- Les essais cliniques locaux, immunothérapies ou projets de maladies rares reposent sur la disponibilité et l’engagement de praticiens-chercheurs.
- Sans revenus complémentaires suffisants (actuellement financés en partie par la liberté tarifaire), le nombre d’essais peut chuter, privant les patients belges d’accès rapide à des traitements innovants pharmaboardroom.com.
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Report ou annulation d’investissements en équipements
- Radiologie : les coûts d’achat d’un scanner CT ou IRM se chiffrent en centaines de milliers à plus d’un million d’euros, plus maintenance, licences logicielles, énergie et personnels techniques. En Belgique, les coûts des examens radiologiques ont augmenté de près de 30 % entre 2013 et 2022, alors que le nombre d’appareils n’a augmenté que de ~8 % lespecialiste.be. Sans marge raisonnable, l’amortissement devient impossible et la qualité diagnostique peut régresser.
- Gynécologie-obstétrique : un échographe performant coûte entre 50 000 et 100 000 EUR selon les fonctionnalités avancées ec.europa.eu. Limiter les honoraires sans prévoir un soutien à l’équipement met en péril le suivi des patientes.
- Autres spécialités : dentistes, cardiologues, ORL… investissent dans des appareils et locaux adaptés, personnel de soutien (secrétaire, assistantes, IT sécurisé). Tout plafonnement routinier compromet la viabilité économique du cabinet.
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Impact sur l’emploi et le tissu économique local
- Les honoraires financent aussi les secrétaires, techniciens, ingénieurs IT, personnel de maintenance, formation continue.
- Si la rentabilité des structures chute, suppression d’emplois et fermeture de cabinets menacent ces professionnels non-médecins.
- Précédent pour l’économie des indépendants : les médecins faisant partie du large tissu des travailleurs indépendants (avocats, architectes, consultants, etc.), restreindre leur liberté tarifaire aujourd’hui ouvre la porte à des régulations analogues dans d’autres professions libérales, fragilisant l’économie belge et la capacité d’investissement de chacun.
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Inégalités accrues et fuite vers l’étranger
- Ceux qui le peuvent chercheront des soins à l’étranger (France, Pays-Bas, Allemagne…), supportant frais logistiques et stress, tandis que les autres subiront une offre locale réduite et des délais plus longs, creusant les inégalités.
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Conséquences sur les finances publiques
- Réduction du marché des assurances complémentaires (~2,5 milliards EUR de primes/an) et baisse des recettes fiscales indirectes (TVA sur achats d’équipements) healthybelgium.be.
- L’État devra compenser par d’autres hausses d’impôts ou coupes budgétaires, au détriment de la prévention ou d’autres services publics essentiels.
Absence d’aides publiques classiques pour les sociétés médicales privées
Contrairement à de nombreuses entreprises qui bénéficient de subventions d’investissement, crédits d’impôt, cofinancements régionaux ou européens pour l’équipement, les cabinets et plateaux médicaux ne disposent pas de ces aides générales. Ils peuvent, pour la médecine générale, obtenir des interventions ponctuelles liées à la continuité des soins ou à la gestion du cabinet (personnel de support, collaboration, délégation de tâches) inami.fgov.be. Mais ces mesures ne couvrent pas l’achat ou le renouvellement d’équipements lourds (imagerie, IT sécurisé, dispositifs innovants). Par conséquent, tout investissement lourd repose sur la viabilité économique des praticiens : c’est l’honoraire, en partie libre aujourd’hui, qui amortit ces coûts. Un plafonnement strict met donc en péril non seulement la rémunération du médecin, mais surtout la capacité à investir pour garantir la qualité et la sécurité des soins.
Précédent dangereux : porter atteinte à la liberté d’entreprendre
Restreindre brutalement la liberté tarifaire des médecins indépendants crée un effet d’entraînement : si l’on justifie un plafonnement pour les praticiens au nom de l’équité ou de la maîtrise des coûts, demain, on pourrait appliquer la même logique à d’autres professions libérales (avocats, architectes, consultants, experts-comptables, etc.), limitant la capacité de chaque entrepreneur à amortir ses investissements et à gérer son activité. Protéger un cadre raisonnable pour les praticiens, c’est aussi défendre la liberté d’entreprendre et le dynamisme du tissu économique belge.
Pourquoi une réforme réfléchie et durable est nécessaire
Pour atteindre les objectifs légitimes (protéger les patients, maîtriser les dépenses, renforcer l’équité, encourager la prévention) sans fragiliser le système, nous proposons :
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Moratoire et étude d’impact indépendante
- Suspension immédiate de tout plafonnement généralisé décidé avant 2028.
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Étude multidisciplinaire transparente (KCE, universitaires belges, économistes de la santé, juristes spécialisés en droit européen) sur :
- Les conséquences sur l’accès aux soins (délais, survie, qualité de vie).
- L’impact sur la recherche clinique (nombre d’essais, projets d’immunothérapie, maladies rares).
- La viabilité économique des cabinets et plateaux (coûts d’investissement, fonctionnement, emploi).
- Les retombées sur l’emploi lié aux services de soutien (secrétaires, techniciens, IT, maintenance).
- L’effet sur les finances publiques (assurances complémentaires, TVA, budgets hospitaliers, compensations).
- La conformité au droit européen (liberté d’entreprendre, proportionnalité des mesures).
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Régulation ciblée des abus
- Mettre en place un dispositif de transparence : obligation de déclaration des dépassements d’honoraires.
- Commission d’examen des cas jugés excessifs, avec sanctions proportionnées.
- Mécanismes de dérogation encadrée : permettre, sous conditions strictes (investissements lourds, zone sous-dotée, projet de recherche validé), de dépasser le cadre tarifaire dans des situations justifiées, sur base d’un dossier argumenté.
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Maintien de la flexibilité pour la recherche et la formation
- Conserver ou adapter le conventionnement partiel ou un mécanisme équivalent pour dégager du temps aux praticiens-chercheurs, soutenu par financements publics ou partenariats dédiés.
- Instaurer subventions ciblées pour l’acquisition/renouvellement d’équipements critiques (imagerie, dispositifs innovants) quand ils apportent une valeur ajoutée reconnue et validée par un comité d’experts.
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Investissement prioritaire dans la prévention
- Budgéter et déployer des programmes de dépistage organisés (cancer colorectal, sein, cardiovasculaire), avec objectifs de participation mesurables et soutien logistique.
- Financer des bilans de santé réguliers (examens sanguins, imagerie de base), remboursés ou partiellement pris en charge, pour détecter tôt les pathologies.
- Développer et promouvoir l’eHealth (outils numériques de suivi, sensibilisation, télémédecine), allégeant la pression sur la phase curative.
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Adaptabilité selon spécialités et zones géographiques
- Prévoir des conventions spécifiques ou exceptions temporaires pour les spécialités à forts investissements (imagerie, interventions complexes) et les zones sous-dotées, via aides indirectes (amortissement aidé, soutien logistique, incitations à l’installation).
- Mettre en place un dispositif de veille pour détecter rapidement les pénuries et y répondre par mesures ciblées (primes à l’installation, soutien à l’achat d’équipements en zone déficitaire).
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Dialogue ouvert et transparence continue
- Créer un comité de suivi comprenant représentants des patients, praticiens, indépendants, experts juridiques et économiques, chargé de publier régulièrement des indicateurs-clés : délais de prise en charge, taux de survie, nombre d’essais cliniques, niveau d’investissement en équipements, retombées économiques pour les acteurs et pour la collectivité.
- Organiser des consultations publiques et tables rondes à intervalles réguliers pour ajuster les mesures en temps réel plutôt que d’imposer un cadre figé.
Appel à l’action pour les patients
- Signez la pétition : demandez un moratoire et une étude d’impact indépendante avant toute mise en œuvre.
- Partagez vos expériences : délais vécus, parcours de soins, importance d’équipements de pointe ou de la prévention dans votre vie. Ces témoignages renforceront l’étude d’impact et sensibiliseront les décideurs.
- Informez vos élus : contactez vos députés fédéraux et régionaux, participez aux consultations publiques, insistez pour une réforme mesurée tenant compte des réalités économiques et juridiques.
- Collaborez avec des associations de patients : proposez ou soutenez des solutions concrètes (programmes de dépistage, bilans remboursés, soutien pour équipements en zone sous-dotée).
- Diffusez des infographies et données clés : coûts d’équipements (scanner, échographe), frais de personnel, impact des retards de diagnostic sur la survie, comparaison coût prévention vs coût retards, poids des assurances complémentaires, absence d’aides publiques pour sociétés médicales. Les visuels facilitent la compréhension du grand public.
Notre système de santé belge est un patrimoine collectif fondé sur la qualité des soins, la solidarité et l’innovation. Derrière chaque acte médical se cachent des équipements coûteux, du personnel spécialisé, de la maintenance et une recherche essentielle, sans aides publiques classiques pour les sociétés médicales. Nous partageons l’objectif de protéger les patients et de maîtriser les dépenses, mais refusons une réforme précipitée qui ne tiendrait pas compte de ces réalités. Exigeons un moratoire et une étude d’impact indépendante, pour que la réforme renforce véritablement notre santé collective et notre tissu économique, aujourd’hui et pour les générations futures.
Soutenez notre Pétition:
Max Paternotte - Directeur Aspera Medical
Références:
- Eurostat – Healthcare expenditure statistics – overview (2022) : la dépense de santé en Belgique représentait environ 10,8 % du PIB en 2022 ec.europa.eu.
- KCE / Belgique en bonne santé – Waiting times specialist 2018 : 48 % des patients ayant consulté un spécialiste en 2018 ont attendu plus de deux semaines, avec disparités régionales belgiqueenbonnesante.be.
- BMJ – Mortality due to cancer treatment delay (2020;371:m4087) : un délai de 8 semaines pour chirurgie du cancer du sein entraîne +17–25 % de mortalité, 12 semaines +25–39 % bmj.com.
- BMJ / PubMed – Impact des délais sur cancer colorectal : retard de 4 semaines dans traitement adjuvant augmente le risque de décès de ~12 %, 8 semaines ~24 %, 12 semaines ~39 % pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.
- PharmaBoardroom – Belgium: Spotlight on a Clinical Trials Hub (2025) : la Belgique reste dans le top 3 européen par habitant pour les essais cliniques pharmaboardroom.com.
- ABSyM / Le Soir / De Standaard – Coûts des examens radiologiques : hausse de ~29 % entre 2013 et 2022, nombre d’appareils +~8 % sur la même période lespecialiste.be.
- INAMI – Interventions pour cabinets de médecine générale : aides limitées à la continuité et gestion du cabinet, non cumulables avec subventions régionales classiques inami.fgov.be.
- KPMG Belgique – Health Insurance in Belgium (avril 2024) : marché des assurances complémentaires ~2,5 milliards EUR de primes/an healthybelgium.be.
- PharmaBoardroom / Monitor Deloitte – Belgium as clinical trial location : confirmation du positionnement top 3 pour essais par habitant pharma.be.