L'augmentation de l’incidence de certains cancers chez les jeunes interroge

Frédéric Haroche | 04 Mars 2025

Santé publique France publie les résultats d’une grande étude épidémiologique qui analyse l'évolution de l'incidence des cancers chez les adolescents et jeunes adultes (AJA) en France. Ce travail était basé sur les données des registres de cancers du réseau Francim. Elles couvrent 19 départements français et s'étendent sur la période 2000-2020, l'objectif étant de déterminer les tendances épidémiologiques en fonction de l'âge, du sexe et du type de cancer. L'analyse se fonde sur les taux d'incidence standardisés (TSM) et bruts (TB) exprimés en nombre de cas pour 100 000 personnes-années (PA)*. 

Des résultats variables selon l’âge et le sexe

Les types de cancers varient avec l'âge : la proportion de leucémies, lymphomes et tumeurs du système nerveux central (SNC) diminue, tandis que celle des mélanomes et carcinomes (sein, colorectal, col de l'utérus, rénal) augmente. Les hommes (40 % des cas) sont principalement touchés par les tumeurs germinales malignes testiculaires (24,8 %), les lymphomes (hodgkiniens : 8,7 %, non hodgkiniens : 6,8 %), les mélanomes (10,0 %) et les carcinomes gastro-intestinaux (8,6 %). Chez les femmes (60 % des cas), les cancers dominants sont ceux du sein (30,4 %), de la thyroïde (16,3 %) et les mélanomes (10,8 %).

Le taux d'incidence standardisé (TSM) tous cancers est de 58,1 pour 100 000 PA (patients-années). Il augmente avec l'âge : 20,5 pour 100 000 PA chez les 15-19 ans, 31,1 chez les 20-24 ans, 53,2 chez les 25-29 ans, 84,7 chez les 30-34 ans, et 130,3 chez les 35-39 ans. Le TSM est plus faible chez les hommes (47,2) que chez les femmes (68,9), des chiffres comparables aux données américaines et européennes notent les épidémiologistes français. 

« L’analyse des variations annuelles, portant sur 72 % de l’effectif total (N=39 159), montre une augmentation moyenne de 1,62 % par an du taux d’incidence brut entre 2000 et 2014 suivie ensuite d’une baisse de – 0,79 % par an.» précise également les épidémiologistes. 

Une flambée de certains cancers ?

Un certain nombre de types de cancer ont connu une évolution importante sur la période 2000-2020. L’incidence du lymphome de Hodgkin (LH) a augmenté de 1,86 % par an, en particulier pour la forme scléro-nodulaire. « Bien que les causes spécifiques du LH soient peu connues, la recherche étiologique s’oriente sur des facteurs environnementaux ou infectieux tels que les infections virales (comme le virus Epstein-Barr), les antécédents familiaux, l’immunosuppression, ou les rayonnements d’imagerie diagnostique » notent les auteurs. 

Les glioblastomes connaissent une progression annuelle de 6,11 %, probablement liée à une meilleure classification et à l’amélioration des techniques diagnostiques. Les liposarcomes, quant à eux, enregistrent une hausse de 3,68 % par an, impactée par l’introduction de la génétique moléculaire. 

Concernant les cancers colorectaux (hors appendice), on observe une augmentation de 1,43 % par an, un phénomène constaté à l’échelle internationale, avec une agressivité accrue chez les jeunes patients. Les cancers du rein progressent de 4,51 % par an. Les épidémiologistes attribuent l’augmentation de ces 2 cancers à l’obésité, sans certitude toutefois. 

L’incidence des cancers du sein augmente de 1,60 % par an chez les femmes, avec une hausse des tumeurs invasives à un stade avancé. Sur ce point, les auteurs écrivent : « Il paraît important de corréler cette augmentation d’incidence à des variations dans les comportements liés à la procréation (diminution du nombre d’enfants, âge plus tardif à la première grossesse, contraception, …) et à la moindre pratique de l’allaitement. Le rôle des habitudes de consommation d’alcool et de tabac ne peut être excluL’irradiation médicale (diagnostique ou thérapeutique, notamment en cas de cancer pendant l’enfance) est également un facteur de risque reconnu mais dont l’évolution dans le temps est difficile à préciser ».

Les mélanomes ont connu une augmentation de 4,67 % par an jusqu’en 2010, suivie d’une baisse de 3,05 % par an, ces tendances peuvent refléter l’efficacité d’interventions en faveur de comportements préventifs tels que la protection solaire. 

Enfin, les carcinomes de la thyroïde ont progressé de 3,62 % par an jusqu’en 2015 avant de chuter fortement de 9,34 % par an, conséquence probable d’un changement des pratiques diagnostiques.

L'étude conclut sur la nécessité de poursuivre les efforts de surveillance épidémiologique et de prévention ciblée sur les facteurs de risque identifiés.

Pour en savoir plus : https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-colon-rectum/documents/enquetes-etudes/incidence-et-son-evolution-entre-2000-et-2020-des-cancers-chez-les-adolescents-et-jeunes-adultes-15-39-ans-dans-les-departements-francais-couvert

*Pour nos lecteurs les plus férus d’épidémiologie : l'évolution de l'incidence a été évaluée par une régression de Poisson et une détection des points de rupture via le logiciel Joinpoint.


Frédéric Haroche | 04 Mars 2025 - JIM.FR

https://www.jim.fr/viewarticle/laugmentation-lincidence-certains-cancers-chez-jeunes-2025a10005bw?ecd=wnl_all_250702_jim_excnew_&uac=481049BZ&impID=7535576&sso=true

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