Un plafonnement généralisé des suppléments d’honoraires et de nouvelles conditions de conventionnement risquent d’éroder la liberté d’exercice des médecins belges, tout en créant un précédent dangereux pour l’ensemble des indépendants. Derrière les objectifs affichés de solidarité et de maîtrise budgétaire, les professionnels pressentent un recul de l’innovation, des investissements hospitaliers et de la qualité des soins.
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Contexte en quelques faits:
Le ministre de la Santé a présenté un avant-projet prévoyant notamment :
- Suppression du conventionnement partiel (seul choix « entièrement conventionné » ou « pas de conventionnement ») ;
- Plafonnement des suppléments d’honoraires à partir de 2028 : +25 % maximum pour les actes hors hôpital, +125 % maximum pour les actes hospitaliers, applicable à tous les praticiens en Belgique ;
- Révocabilité élargie du numéro INAMI pour des motifs non strictement disciplinaires ;
- Conditionnement des primes INAMI (qualité, télématique, etc.) aux seuls médecins 100 % conventionnés.
Ces mesures seraient mises en œuvre avant même d’avoir finalisé la réforme de la nomenclature, créant une forte incertitude pour les praticiens et les hôpitaux.
Un précédent pour la liberté d’entreprendre:
En Belgique, environ 15 % de la population active est indépendante ; les médecins exercent majoritairement sous forme de société médicale ou en statut d’indépendant. Restreindre leur liberté tarifaire crée un précédent susceptible de s’étendre à d’autres professions libérales (avocats, architectes, consultants…), fragilisant un pilier de l’économie belge.
Par exemple, pour un cardiologue interventionnel, chaque heure consacrée à coordonner ou participer à un essai clinique local est dégagée indirectement par ses suppléments en cabinet privé. Si ces suppléments sont plafonnés, ce temps de recherche disparaît.
Chiffre clé : la Belgique affiche une densité d’indépendants élevée (+-20%) par rapport à certains voisins, traduisant un tissu économique très dépendant de la liberté contractuelle des professionnels.
Un précédent dangereux pour la liberté d’entreprendre et la durabilité économique
Tout professionnel a le droit d’exercer son activité économique librement. Restreindre de manière uniforme la liberté tarifaire des praticiens indépendants soulève un risque de non-conformité aux exigences de proportionnalité et de nécessité.
La jurisprudence de la CJUE exige que toute restriction à une liberté fondamentale soit justifiée par un objectif d’intérêt général, nécessaire et proportionnée. Une régulation des honoraires doit démontrer que les dépassements d’honoraires entraînent des dommages avérés et que des mesures ciblées ne suffisent pas.
En appliquant une régulation stricte aux médecins, on établit un précédent législatif qui pourrait être invoqué pour imposer ultérieurement des plafonds ou régulations similaires aux autres professions libérales (avocats, architectes, consultants, experts-comptables, etc.). Cela risque de fragiliser l’écosystème des indépendants en Belgique, qui représente environ 13–15 % de la population active et constitue un pilier de l’économie nationale.
Pour respecter le droit européen, la régulation doit être accompagnée d’une étude d’impact démontrant la nécessité d’une mesure universelle plutôt que de mesures ciblées. Elle doit offrir des mécanismes de dérogation encadrée (pour investissements lourds, zones sous-dotées, projets de recherche validés), garantissant que la restriction reste proportionnée et justifiée au cas par cas.
L’économie belge repose sur la capacité d’entreprendre et d’innover. Préserver une marge raisonnable pour amortir les investissements (équipements médicaux, IT sécurisé, personnel spécialisé) est essentiel non seulement pour la santé, mais pour maintenir un tissu économique dynamique.
Conséquences pour l’attractivité et la recherche:
La Belgique se classe dans le top 3 des pays européens par habitant pour le nombre d’essais cliniques. Les jeunes médecins, anticipant un plafond de revenus, risquent d’opter pour un salariat hospitalier moins risqué ou d’émigrer vers des pays offrant davantage de liberté et de perspectives de recherche.
Déjà en 2018, 48 % des patients attendaient plus de deux semaines pour un rendez-vous chez un spécialiste. Moins de praticiens signifie délais accrus, surcharge des services conventionnés et épuisement du personnel.
Le budget de la santé en Belgique représente environ 10,8 % du PIB. Mobiliser des centaines de millions pour compenser la perte de suppléments paraît irréaliste en période d’austérité et de vieillissement démographique, menaçant d’arbitrages sévères ailleurs.
Impact économique et effet domino:
Le marché belge de la complémentaire santé représente environ 2,5 milliards EUR de primes annuelles (mutuelles environ 1 milliard, assureurs privés 1,5 milliard). La disparition de la médecine hors-INAMI rendrait ces produits obsolètes, menaçant des milliers d’emplois.
Bien que les actes médicaux soient exonérés de TVA, les sociétés médicales paient de la TVA sur leurs achats (équipements, fournitures). Un repli du secteur privé/mixte réduirait cette base fiscale.
De nombreux projets hospitaliers (blocs, robotique, imagerie avancée) étaient cofinancés par les revenus privés/mixte. Sans ces ressources, ces investissements seraient reportés ou annulés.
La compensation des pertes pour praticiens et hôpitaux pèsera sur d’autres budgets publics (prévention, infrastructures, aides sociales).
Qualité des soins et sécurité des patients:
Retard diagnostique et mortalité :
- Cancer du sein : un délai de 8 semaines avant chirurgie augmente la mortalité d’environ 17–25 %, 12 semaines de 25–39 %.
- Cancer colorectal : un retard de 4 semaines dans le traitement adjuvant accroît le risque de décès de ~7 %, 8 semaines de ~24 %, 12 semaines de ~39 %.
Des listes d’attente prolongées entraînent davantage de diagnostics à stade avancé, traitements plus lourds et survie réduite.
Prévention et bilans : les check-ups complets (examens sanguins, imagerie basique, dépistages cardiovasculaires et oncologiques) demeurent trop souvent non ou mal remboursés. Les praticiens les proposaient dans un contexte mixte rendu possible par les suppléments, le plafonnement réduit leur capacité à les offrir. Une population informée coûte moins cher qu’une population diagnostiquée tardivement.
Recherche locale : la Belgique, hub d’innovations (immunothérapies, CAR-T, maladies rares) a besoin que les praticiens puissent dégager du temps de recherche financé indirectement. Sans cela, les projets s’amenuisent.
Étapes alternatives et recommandations:
- Régulation ciblée des abus : obligation de transparence sur les dépassements d’honoraires jugés réellement abusifs, création de commissions d’examen de cas isolés, sanctions proportionnées, plutôt que plafonds universels.
- Renforcement du remboursement INAMI pour les plus vulnérables : améliorer l’accès financier aux soins des patients à faibles revenus sans restreindre la liberté pour les autres.
- Modèles adaptatifs : exceptions temporaires pour spécialités ou régions en tension, ajustements selon pathologies complexes.
- Soutien à la recherche : crédits publics ou partenariats public-privé dédiés aux essais cliniques et projets innovants.
- Promotion de la prévention : allouer une part du budget public à des programmes de bilans réguliers et dépistages (oncologiques, cardiovasculaires, métaboliques), générant des économies à long terme.
Appel à la mobilisation:
Professionnels : participer activement aux concertations INAMI, envoyer des contributions argumentées (données chiffrées, exemples concrets de temps de recherche financé indirectement). Témoignages coordonnés via syndicats et sociétés savantes.
Alliances : collaborer avec juristes (liberté d’entreprendre UE) et économistes (études coût-bénéfice d’alternatives).
Timing : agir avant le vote du texte-cadre (fin 2025) pour obtenir moratoire et amendements substantiels.
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Max Paternotte - Directeur Aspera Medical
Sources principales:
- Eurostat, Healthcare expenditure: Belgique 10,8 % du PIB 2022.
- KCE, Rapport KCE383: 48 % des patients attendaient >2 sem. spécialiste en 2018.
- BMJ 2020;371:m4087: cancer sein, retard 8 sem. → +17–25 % mortalité, 12 sem. → +25–39 %.
- PubMed 2024: cancer colorectal, retard 4 sem. → +7 % décès, 8 sem. → +24 %, 12 sem. → +39 %.
- Pharmaboardroom: Belgique top 3 Europe essais cliniques par habitant.
- KPMG Belgique: complémentaire santé ~2,5 milliards EUR primes/an.
- Statistiques indépendants: ~15 % travailleurs indépendants en Belgique.
- KCE/rapports CPAS sur impacts de réformes sociales.
- News Belgium, « Statut à part entière pour l’entrepreneur » : indique que, indépendants à titre principal et conjoints-aidants confondus, ils représentent près de 20 % de la population active belge